Etudes de Philologie et d'Histoire
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Ce volume collectif met en valeur le Calvin littéraire, à l'occasion du cinquième centenaire de sa naissance. Les contributions s'emploient à approfondir ce qui, dans le rapport du Réformateur à l'écriture et à la Bible, et dans son rayonnement auprès des écrivains du XVIe siècle (à travers une série d'échanges, d'influences, d'interactions et de rapprochements possibles), témoigne d'une appréhension humaniste des textes et de l'homme, comme de l'inscription d'une pratique littéraire dans une anthropologie humaniste. Cet "humanisme" de Calvin - avec toutes les ambiguïtés que la notion comporte - a été étudié selon trois axes majeurs : l'axe culturel bien sûr, à travers l'étude d’un milieu de formation, d'une communauté d’arrière-plans et d'un ensemble de références culturelles, antiques en particulier, mais aussi l'axe anthropologique et l'axe philologique de sa relation à l'écriture et à la langue française, qu'il contribue largement à clarifier et à simplifier en la libérant du latin. Le volume s'attache surtout à mettre en évidence les liens qui existent entre la formation de Calvin, l’anthropologie qu’il propose, et sa pratique stylistique.
Ainsi réunies, les diverses approches des spécialistes sollicités permettent d'établir que ce qui semble inscrire Calvin dans un ordre de référence humaniste est toujours remis en cause au nom d'une anthropologie repensée, questionnant la notion d'"humanisme" même, en dialogue avec une communauté d’"humanistes". Deux aspects de l’écriture calvinienne structurent en particulier la réflexion menée dans ces pages: les tensions d’un héritage, parce que le rapport à l’écriture convoque, et repense, à travers des références humanistes et au-delà delles, toute une anthropologie propre; et une écriture de combat, qui permet de voir comment ce rapport aux textes et aux hommes se traduit concrètement dans un style qui a fait reconnaître Calvin comme écrivain, "illustrateur" de la langue française.
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De son vivant déjà, Étienne Dolet (1509-1546) éveillait les passions, comme en témoignent les textes de Clément Marot passant de l’admiration fervente au rejet le plus virulent. Exécuté place Maubert en 1546, Dolet fut désigné « martyr de la Renaissance » à la fin du XIXe siècle, avant d’être au cœur des analyses de Lucien Febvre sur le problème religieux au XVIe siècle. Plus récemment, dans les années 1980, les études dolétiennes ont connu un important essor grâce aux travaux de Claude Longeon. Ces dernières années, de nombreuses publications, suscitant des échanges passionnés, ont relancé l'intérêt pour la vie et l'œuvre d'Étienne Dolet. L'année 2009 représentait donc le moment idéal, cinq cents ans après la naissance de Dolet, pour faire un état de la recherche. Le présent ouvrage réunit vingt-deux études de spécialistes internationaux de la Renaissance, auxquelles s’ajoute une très précieuse bibliographie détaillée de tous les livres écrits et publi©s par Dolet. L’ample matière du volume est organisée en trois sections : l’homme Dolet, Dolet auteur et Dolet éditeur-imprimeur. Nous souhaitons que ce volume contribue à faire oublier la légende Dolet pour mieux mettre en lumière l'héritage umaniste d'Étienne Dolet.
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Un renouveau sensible des études commyniennes, l’élargissement et la diversification de leurs champs coïncident avec le 500e anniversaire de la mort de Philippe de Commynes, faisant de cette commémoration officielle un acte de mémoire bien légitime, mais plus encore peut-être un point de départ pour des interrogations fécondes. Littéraires, historiens, juristes se rejoignent autour de quatre problématiques : une écriture commynienne hésitant entre filiations et création ; une pragmatique politique et ses rapports complexes à l’institution et au droit ; la nature et l’ampleur des réseaux tissés par un des « accoucheurs » de l’Europe ; la transmission sans rupture de l’ « éternel » Commynes, vivant et réinterprété à travers héritiers et passeurs. L’enquête est plus que convaincante : le mémorialiste gagne en relief, en épaisseur et en nuances. Et, du même coup, les interrogations prennent, elles aussi, des formes nouvelles. Ce colloque aura donc été un passionnant épisode dans une série qu’il convient de poursuivre.
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La lecture, l’écriture et la production du livre n’ont cessé d’accompagner Pierre de Ronsard tout au long de son existence (1524-1585). La présente étude retrace la trajectoire biographique, sociale et culturelle de ce poète selon deux perspectives théoriques (bibliologique ou génétique, et littéraire). En observant l’œuvre ronsardienne en train de se faire et en décrivant l’évolution du projet littéraire, créatif, dans ses relations aux conditions matérielles du livre (manuscrit et imprimé), il s’agit de montrer comment Ronsard a tiré profit de la production et du commerce du livre pour asseoir son statut de poète royal et pour marquer de son empreinte la poésie du XVIe siècle.
Le présent volume examine tous les aspects de l’écriture manuscrite chez Ronsard (l’annotation de livres lus, la rédaction de documents relatifs à sa vie privée, la copie de textes littéraires écrits sous sa dictée ou recopiés par des secrétaires). S’appuyant sur le corpus des textes manuscrits de Ronsard connu à ce jour –et sur la redécouverte de manuscrits inédits-, ce livre s’efforce de répondre à plusieurs questions : que nous apporte l’étude des textes manuscrits pour saisir la personnalité du poète et comprendre ses habitudes de lecture et d’écriture ? Quelle est la place du manuscrit dans l’activité littéraire de Ronsard ? Quels rôles social et littéraire le poète leur assigne-t-il ? Quelle est la fonction du manuscrit dans la genèse de l’écriture poétique et quelle conclusion peut-on tirer de l’examen de leurs variantes textuelles ? En fin de parcours, sont évaluées la relation spécifique qui se joue entre les poèmes manuscrits et la poésie imprimée, et la part qui revient à chacun dans la diffusion de la poésie ronsardienne.
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A partir de 1494, l’Italie connaît une situation de guerre permanente qui, selon Francesco Guicciardini (1483-1540), « changea les Etats mais aussi les façons de les gouverner et les façons de faire la guerre ». Pendant plus de trois décennies, Français et Espagnols vont se disputer le contrôle de l’Italie. A Florence, la question de la forme à donner à la République et celle même de sa survie se posent avec acuité. Les grilles de lecture et les solutions de la tradition communale ne suffisent plus à rendre compte de cette nouvelle « condition des temps ». Il faut penser et écrire différemment, inventer une « grammaire de la République ». Guicciardini, à l’instar de son ami Machiavel, s’y employa, au risque de l’action et de l’échec. Ce livre entend rendre compte de la façon dont Francesco Guicciardini, acteur et auteur de ce moment historique, a forgé une langue inédite de la politique, de la guerre et des principes éthiques qui peuvent guider l’homme politique.
Jean-Louis Fournel (Paris 8, Triangle) et Jean-Claude Zancarini (ENS de Lyon, Triangle ) sont professeurs en études italiennes.
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Composée en 1605 par le trinitaire lorrain Dominique Gaspard, la tragédie Mercuriade évoque, en cinq actes et en vers, l’épopée hongroise de Philippe-Emmanuel de Lorraine, second duc de Mercœur, depuis le moment où il rejoignit l’armée impériale en lutte contre les Turcs (octobre 1599) jusqu’à son décès à Nuremberg, sur le chemin du retour (février 1602). En abordant ce sujet strictement contemporain et dans une perspective apologétique, l’auteur faisait entendre la voix de ceux qui se préoccupaient du sort de la chrétienté aux portes de l’Europe, mais il contribuait aussi à entretenir la mémoire d’un héros dont le destin sinueux prenait peu à peu l’apparence d’une légende.
Écrite dans un style ronsardien, cette œuvre se conforme à l’esthétique du théâtre irrégulier de la fin de la Renaissance. En revanche, elle présente un certain intérêt dramaturgique dans la mesure où elle semble avoir été destinée à la représentation scolaire. Observée sous cet angle, sa composition se charge de sens et ce qui pourrait apparaître comme des facilités ou des effets appuyés peut répondre en fait à des contingences scéniques. Alors que le répertoire des collèges de l’époque abonde en pièces dont on ne connaît que les titres, il est bon de donner à ce texte rare un statut documentaire et d’en faire une lecture essentiellement didactique.
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La satire, peut-être plus que d’autres formes littéraires, profite considérablement de la renaissance de la culture et des lettres gréco-latines qui marque le seizième siècle. Lucilius, Perse, Horace, Juvénal et Lucien de Samosate deviennent les principaux modèles à suivre des humanistes. La satire est sans aucun doute la forme d’expression par excellence du syncrétisme de la Renaissance, lequel combine érudition humaniste et verve populaire, ambitions morales et comique parfois grossier, objectifs pédagogiques et divertissement, ou encore douceur horatienne et indignation juvénalesque. Ce sont bien ces contrastes, résumés dans la formule horatienne du ridentem dicere verum, qui donnent naissance à une écriture engagée et néanmoins esthétique. En se déliant de ses racines génériques, la satura romaine, la satire s’ouvre notamment aux textes en prose mais aussi au drame satyrique grec, aux farces et sotties médiévales ou bien au coq-à-l’âne. Ainsi s’en trouve enrichi le discours satirique qui, fondé sur la varietas et l’hybriditas, produit un véritable amalgame des traditions antique, médiévale et italienne, et se pose en technique parasitaire de tous les genres. En s’étalant du théâtre de Pierre Gringore à la Satyre Ménippée, les études éditées par Bernd Renner définissent une poétique de la satire et constituent un nouveau plaidoyer pour la satirologie.
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Ronsard découvre, à l’articulation de l’âme et du corps, les richesses de l’imagination, de la fantaisie humaine. L’âme incarnée vit constamment entourée d’images, qu’elles proviennent des organes des sens, du sang, du spiritus fantasticus, de la mémoire, de la fantaisie libérée de tout contrôle rationnel dans le temps du songe, des démons... L’étude conjointe du sommeil et de la fantaisie nous permet d’appréhender les œuvres du Vendômois de façon chronologique. Dans la première décennie de sa création poétique, Ronsard se nourrit dans ses œuvres de multiples images fantastiques : les visions prophétiques, les images mortes de la sorcière, les secrets du puissant Dionysos, la mélancolie amoureuse, les songes... Au début des années 1560, le poète subit une double crise, interne et externe, qui le conduit à définir une « bonne santé » de l’imagination. Attentif à ne plus accueillir dans son esprit toutes les créatures fantastiques, le poète se montre de plus en plus à l’écoute de son propre corps, ou plutôt de la saine liaison entre son corps et son âme. A mesure que la mort approche, Ronsard veille à se débarrasser de toutes les formes d’illusion qui pourraient venir perturber une si belle association. ciation.